Cette semaine, l’actualité RSE est marquée par des bouleversements majeurs : la CSRD pourrait voir son reporting supprimé sous la pression politique, tandis qu’une coalition d’entreprises tente de préserver ses ambitions.
En parallèle, Trump retire une nouvelle fois les États-Unis des Accords de Paris, menaçant la coopération climatique. Malgré ces mauvaises nouvelles, voici quelques lueurs d’espoir : les critères climatiques se généralisent dans la rémunération des dirigeants, la France atteint un record d’énergie renouvelable, et l’ONU lance un programme d’accompagnement pour les PME. Enfin, une enquête alerte sur un possible "backlash" RSE, signe d’une transition durable sous tension. 2025 va être une année de changement.
CSRD : le reporting menacé de suppression par la Commission européenne
Après les lobbies de grands industriels, la droite européenne et le rapport Draghi, c’est au tour du vice-président de la Commission européenne d’attaquer frontalement la CSRD.
L’ancien ministre français Stéphane Séjourné aujourd’hui chargé de la prospérité et de la stratégie industrielle à la Commission, a annoncé la possibilité d’une “suppression du reporting”, dans un entretien sur France Inter.
Déplorant la “bureaucratie” qu’il occasionne, il affirme que les objectifs resterons les mêmes, mais que le moyen pour les remplir sera modifié.
Cette déclaration souffle un vent d’incertitude sur les entreprises concernées par la première publication obligatoire de leur reporting. Sans parler du risque de déresponsabilisation du marché à l’égard des engagements sociaux et environnementaux.
Trump se retire une seconde fois des Accords de Paris
Le président de la première économie mondiale qui considère le réchauffement climatique comme un “canular” vient de mettre à exécution sa promesse : retirer les États-Unis des Accords de Paris, tel qu’il l’avait déjà fait lors de son précédent mandat. Joe Biden les avait de nouveau rejoints en 2021.
Ainsi, les États-Unis font désormais partie du club très fermé des 4 pays du monde à ne pas ratifier ce texte, en compagnie de l’Iran, de la Libye et du Yémen.
Il a parallèlement décrété un “état d’urgence énergétique”, afin de justifier sa politique d’exploitation intense des ressources fossiles : “Drill, baby, drill !” continue-t-il de scander.
En plus du risque que certains pays se laissent tenter par une baisse de leurs ambitions climatiques, cette annonce fragilise considérablement la coopération climatique internationale, alors que la barre symbolique des 1.5°C de réchauffement a été franchie en 2024.
Rémunération variable des grands dirigeants : le critère climatique se généralise
Dans son “Baromètre des rémunérations” 2024 du SBF 120, le cabinet de conseils Ethics & Boards publie les résultats de son étude en matière de rémunération variable des grands dirigeants d’entreprises. Ils montrent que les critères liés à l’environnement tendent à se généraliser.
En effet, à ce jour 92% des entreprises du SBF 120 font figurer des objectifs “environnement” et ”climat” dans la rémunération variable de leurs dirigeants, à court et à long terme.
De manière générale, c’est la réduction des émissions de GES qui est le plus retenu comme objectif principal de long terme : il concerne la politique de 58% des sociétés. Une évolution marquante par rapport à 2022, où c’était le cas de 24% seulement d’entre-elles.
Une coalition d’entreprises pour sauver les ambitions de la CSRD
Dans le contexte actuel qui voit se multiplier les appels à la simplification et à la réduction des ambitions de la CSRD, 12 réseaux d’entreprises ainsi que de financiers ont publié une “note de position commune”, initiée par Impact France. Ils appellent à “simplifier la CSRD sans renoncer à son ambition”.
En plus du réseau Impact France (regroupant 15 000 entreprises engagées), on retrouve parmi les signataires des acteurs tels que B Lab ou France Invest.
Ainsi, ils admettent l’importance de la simplification, notamment pour les TPE et PME qui peuvent faire face à des exigences “disproportionnées” par rapport à leurs moyens. Pour autant, ils affirment l’importance de conserver les ambitions du texte. Pour cela, ils recommandent par exemple de “privilégier dans un premier temps certains indicateurs quantitatifs”. Aussi, de maintenir le “principe d’extra-territorialité de la directive”, pour éviter une concurrence déloyale des entreprises non-européennes.
Accidents du travail : 2 morts par jour en 2023
Selon les chiffres révélés par la CPAM (Caisse primaire d'assurance maladie), en 2023 il y a eu 759 morts causées par des accidents du travail. Cela constitue une moyenne de 2 morts par jour. Selon certains experts, ces chiffres seraient “en dessous de la réalité”.
Les ouvriers du bâtiment, les agriculteurs qui utilisent de machines dangereuses et les routiers sont les professions parmi les plus touchées par des accidents du travail mortels. Le plus souvent, cela est lié à des “manquements en termes de sécurité”.
Le manque d’effectifs et de moyens à destination des inspecteurs du travail d’une part, et le non respect par l’employeur de certaines normes de sécurité de l’autre sont des raisons généralement évoquées pour expliquer la persistance d’accidents mortels. Le Ministère du travail indique que ces derniers concernent principalement les entreprises sous-traitantes et les intérimaires.
Un quart du PIB mondial menacé par le climat en 2050
Le BCG et le Forum économique mondial se sont attaqués à l’épineuse question de l’impact économique du changement climatique, encore très débattue à ce jour. Ce rapport va à la conclusion que d’ici 2050, jusqu’à 25% des bénéfices des entreprises seraient menacés “par les risques matériels du changement climatique”.
On peut attirer l’attention sur 4 données :
- Le “stress thermique” qui risque de diminuer le temps de travail à échelle globale de 2%
- La diminution des rendements de l’agriculture
- Les dégâts causés aux infrastructures
- Les dégâts causés aux écosystèmes
Pour faire face à ces risques, les experts du rapport affirment l’impératif d’un investissement massif pour en limiter l’impact. Ils appellent les entreprises à un calcul comptable à long terme, où investir en ce sens pourrait générer “entre 2 et 19 dollars pour chaque dollar investi”.
Le Parcours PME durable, un outil d’accompagnement de l’ONU
Pour offrir aux PME, à leur dirigeant et à leurs salariés l’opportunité de s’approprier les outils et les idées clefs de la RSE, le Pacte mondial de l’ONU – Réseau France a mis en place un “Parcours PME durable”. Cet intérêt pour les PME tient à leur conviction qu’elles jouent un rôle central dans la transition durable des modèles d’affaires à échelle globale.
Ce programme entend fournir aux PME les ressources nécessaires pour s’engager, car nombre d’entre-elles hésitent encore en raison d’un manque de connaissances dans la RSE d’une part, et dans les opportunités qu’elle offre de l’autre.
Ce programme pédagogique accessible en ligne regroupe 8 modules pratiques, qui permettent à chacun d’apprendre et d’interagir avec des exercices concrets. Conçu en partenariat avec des PME membres du réseau, le parcours de formation de 2 heures se veut adapté aux besoins réels des dirigeants et des salariés.
Transition durable : le risque d’un “backlash” ?
Une enquête menée par Novethic auprès de professionnels du secteur de la RSE révèle une inquiétude commune à une grande majorité d’entre-eux : celle d’un backlash. C’est-à-dire, d’un retour en arrière des institutions et des entreprises sur les engagements pris ces dernières années, voire des avancées réglementaires qu’on voyait comme des acquis indéboulonnables.
Dans le climat anti-écologique et anti-social qui se répand dans les entreprises et les discours publics, ils déplorent une dynamique “un pas en avant, deux pas en arrière”. La législation omnibus de fin février qui pourrait remettre en cause la Green Deal et la CSRD ne fait que confirmer ces craintes.
Fabrice Bonnifet, président du C3D, s’inquiète d’un "backlash RSE orchestré par les partisans du "back to basic". L’arrivée de Trump et les contraintes budgétaires à échelle européenne risquent fort de confirmer ces inquiétudes.
Record de production d’énergie renouvelable en France en 2024
Le gestionnaire français du réseau de transport d’électricité qu’est RTE a publié des chiffres qui nous renseignent sur les performances énergétiques nationales sur l’année 2024. L’an dernier, 27.6% de la production totale d’électricité a été assurée par du renouvelable (soit 148 TWh). Un record.
La production hydroélectrique s’est montrée particulièrement efficace. On note également la "croissance soutenue de la filière éolienne et solaire" qui est passée de 48 TWh en 2019 à 70 TWh en 2024.
Globalement, la France affiche d’excellentes performances en matière de production d’énergie bas carbone (nucléaire et renouvelable), puisque cette dernière représente 95% de son activité. Des résultats permis par un investissement soutenu dans ces filières depuis les années 1970.
Comment les grandes entreprises font-elles de l’économie circulaire ?
Dans une récente publication intitulée “Panorama de l’économie circulaire”, la plateforme de gestion des déchets Urbyn se penche sur les pratiques des grandes entreprises françaises du SBF 120 en matière d’économie circulaire. Leur conclusion est que ces dernières privilégient des “solutions peu ambitieuses”.
En effet, 88% des entreprises du SBF 120 font mention de l’économie circulaire. Pourtant, 90% de celles-ci font valoir pour cela un recours au recyclage. En comparaison, seules 42% évoquent la réparation et 48% la seconde main.
En d’autres termes, Urbyn enregistre des pratiques trop peu ambitieuses qui ne prennent pas assez en charge les perspectives plus efficaces du réemploi et de la réutilisation, généralement plus durables pour prolonger la durée de vie des produits et des matériaux.
Les sources
Novethic “CSRD : la "suppression du reporting" annoncée par Stéphane Séjourné”
Youmatter “Les critères climatiques se généralisent dans la rémunération variable du SBF120”
France culture “Accidents du travail : les morts cachés”
Novethic “Les bénéfices des entreprises amputées de 25% à cause du changement climatique”
Novethic “Les professionnels de la RSE inquiets avant une année de tous les dangers”
L’info durable “La production d’électricité renouvelable en France a atteint son plus haut niveau”