Introduction
La COP29, ouverte le 11 novembre 2024, a réservé une surprise de taille avec l'accélération du processus de création d'un marché mondial des crédits carbone. Une initiative qui, bien que prometteuse sur le papier, suscite déjà des inquiétudes sur les risques de fraude et d'abus.
Alors que la ministre française de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a décidé de ne pas participer à cet événement, une décision marquée par des tensions géopolitiques avec l'Azerbaïdjan, l'impact de cette conférence sur la coopération internationale en matière de transition écologique reste incertain. Les discussions de la COP29 ne sont que la partie émergée d'un iceberg bien plus vaste de défis écologiques et éthiques auxquels font face entreprises et gouvernements.
Découvrez toutes les actualités de la semaine dans notre article.
Coup de théâtre à la COP29 : un accord autour des crédits carbone
La 29ᵉ Conférence des Parties sur le changement climatique (COP29) s’est ouverte ce lundi 11 novembre. La présidence de la COP a pris les délégués de court en accélérant le processus du vote des règles pour la création d’un marché mondial des crédits carbone. Cette démarche permet d’éviter d’ouvrir de nouveau les délibérations.
Ainsi, la question très controversée des crédits carbone, pour laquelle aucun accord n’avait été trouvé lors des précédentes éditions de la COP, a été présentée “à prendre ou à laisser” aux près de 200 États participants.
Les conditions cavalières dans lesquelles ces accords ont été présentés font peser un risque sur la mise en œuvre du marché carbone. En effet, de nombreux spécialistes, représentants d’ONG et associations font valoir les risques de fraude et d’abus, déjà bien connus des pouvoirs publics européens.
La ministre de la Transition écologique n'ira pas à la COP29
Agnès Pannier-Runacher a annoncé qu’elle ne se rendrait pas à la COP29 de Bakou, en Azerbaïdjan. Sur fond de tensions diplomatiques entre la France et l’Azerbaïdjan, la ministre a accusé le président Ilham Aliev d’instrumentaliser “la lutte contre le dérèglement climatique pour un agenda personnel indigne”.
Si cette décision relève largement d’enjeux géopolitiques et diplomatiques, elle n’est pourtant pas neutre venant d’une ministre de la Transition écologique. En effet, le président azerbaïdjanais se montre très enthousiaste en matière d’exploitation fossile, parlant des ressources naturelles (dont gaz, charbon et pétrole) comme des “cadeaux de Dieu”.
En plus d’affaiblir les relations bilatérales entre les deux pays, cette situation affaiblit la coopération internationale en matière de politique de transition écologique et énergétique.
L’éthique au cœur des préoccupations des salariés ?
L'Institute of Business Ethics (IBE) a mené une grande enquête sur l’éthique au travail auprès de 12 000 actifs au sein de 16 pays, dont la France. L’enquête met en valeur certaines évolutions récentes des pratiques et des représentations en matière d’éthique au sein des entreprises françaises.
L’enquête montre notamment qu’en France plus qu’ailleurs, l’opinion des salariés s’est dégradée concernant la capacité de leur hiérarchie à s’engager dans des démarches éthiques.
Simone de Colle, professeure d’éthique des affaires et de stratégie à l’IÉSEG, affirme que “les salariés français sont de plus en plus sensibles à l’éthique”. D’une part, ils sont davantage conscients des normes éthiques au sein de leurs organisations. De l’autre, les formations qu’ils reçoivent en la matière les rend mieux disposés à comprendre le mode de fonctionnement et le rôle de ces outils.
Après la CSRD, le devoir de vigilance sous le feu des critiques
25 lobbys et associations européennes de défense d’intérêts ont signé une lettre ouverte à charge contre la CSDDD, directive sur le devoir de vigilance européen. Parmi eux, Business Europe considéré comme le “Medef européen”. Une attaque supplémentaire aux démarches de régulation des pratiques économiques et commerciales des entreprises européennes.
En effet, après la CSRD et la loi sur la déforestation importée, la CSDDD entend obliger les entreprises à rendre des comptes et prendre des mesures pour prévenir les atteintes aux droits humains et environnementaux sur l’ensemble de leur chaîne de valeur.
Les arguments avancés par ces acteurs inquiètent ceux de la transition écologique et sociale. Il s’agit une fois encore d’une rhétorique de la “simplification” et de “l’allègement des charges” liées aux politiques de RSE.
Que prévoit le gouvernement pour décarboner les entreprises ?
La révision de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) est en cours de consultation. Il s’agit d’une feuille de route gouvernementale pour la transition énergétique de l’économie et de la société française. Un “projet de guide” à destination des “entreprises volontaires” a été rendu public en ce sens.
L’objectif de la SNBC est de réduire les émissions françaises de GES de 50% entre 1990 et 2030. Pourtant, une écrasante majorité d’entreprises concernées par l’obligation de publier un BEGES (bilan carbone) ne sont pas en conformité. Une situation qui annonce de mauvais présages pour leur mise en conformité avec les réglementations européennes (CSRD, CSDDD etc.).
Ce guide à destination des entreprises leur propose de choisir “3 leviers” pertinents par rapport à leurs principales émissions pour adapter leurs stratégies bas carbone.
Quelle empreinte planétaire des entreprises françaises ?
D’après les calculs de l’agence Goodwill management-Baker Tilly, chaque année les entreprises françaises consomment l’équivalent de 3 planètes. Plus remarquable encore, l’activité des entreprises engagées dépasse elle aussi les limites planétaires.
A partir de la définition d’un “quota” à respecter pour chaque pays, l’agence a montré que la France “excède ses quotas de limites planétaires d’un facteur 3”, en particulier en matière d’eau et de climat.
Ces calculs rapportés à 50 entreprises parmi les plus engagées montrent qu’elles ne respectent pas non plus les limites planétaires. Cela traduit peut-être que “la RSE telle qu’on la pratique aujourd’hui est insuffisante”. Un argument supplémentaire en faveur du soutien aux dynamiques réglementaires qui favorisent l’engagement social et environnemental des entreprises, pourtant menacées ces derniers temps.
Point sur la finance solidaire
La semaine du 11 au 18 novembre est dédiée à la finance solidaire. L’occasion de rappeler les principes et points de définitions qui entourent ce mécanisme de financement de structures “à forte utilité sociale et environnementale”.
Les démarches de finance solidaire visent à transposer sur les marchés financiers les logiques de l’ESS. Ainsi, elle propose un changement de paradigme fondamental : l’impact social et environnemental comme objectif, plutôt que le seul profit.
L’année dernière, la finance solidaire accumulait un encours de 30 milliards d’euros, lequel a généré 680 millions d’euros de financements solidaires.
La finance solidaire se distingue de l’Investissement socialement responsable (ISR) en ce sens que ses titres ne sont pas côtés en bourse. Elle est même portée par des mécanismes “de partage”, qui consistent à reverser une part des bénéfices à des associations et organisations à impact.
Les énergies renouvelables gagnent toujours plus en importance
L’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) et l’Agence internationale pour les énergies renouvelable (IRENA) ont récemment publié des rapports qui confirment la montée en puissance des énergies renouvelables dans le mix énergétique mondial. Une croissance qui présage des dynamiques commerciales avantageuses pour le secteur.
En effet, d’après l’AIE 50% de la production mondiale d’électricité devrait être assurée par des énergies issues de ressources renouvelables en 2030. Une telle évolution s’explique notamment par les coûts de plus en plus attractifs du renouvelable sur les marchés de l’énergie.
Enfin, on note que près de 16.2 millions de personnes sont employées dans le secteur des énergies renouvelables. Un indicateur supplémentaire de la vitalité du marché.
Les plus modestes davantage exposés aux îlots de chaleur
Une récente étude de l’INSEE met en valeur que les ménages les plus modestes qui habitent dans les quartiers populaires subissent plus fortement les phénomènes d’îlots de chaleur en ville. En effet, “denses et peu végétalisés”, ces quartiers y sont moins bien adaptés.
Par exemple, d’après les données satellites collectées en 2017 par l’INSEE, entre les 10% des ménages lyonnais les plus riches et les 10% les moins dotés, l’écart de chaleur était de 0,41°C.
L’institut de la statistique précise qu’il ne s’agit pas nécessairement d’un enjeu de santé publique en temps normal, mais qu’à l’occasion de fortes canicules cela peut entrainer un certain nombre d’inégalités d’adaptation. Autrement dit, les foyers les plus pauvres, généralement moins équipés et disposant de possibilités réduites de changer ponctuellement de ville, connaissent un manque d’égalité face au risque.
Ces collectifs de salariés engagés dans la transition de leurs entreprises
120 entreprises en France, dont plus de 50% issues du CAC40 et des grands cabinets de conseil, ont vu naitre des collectifs de salariés dans leurs rangs. Ces derniers portent l’ambition de faire bouger en interne les pratiques et de sensibiliser leurs collègues et leurs directions aux enjeux sociaux et environnementaux.
Certains de ces collectifs fédèrent jusqu’à 2 000 collaborateurs. Les fresques du climat ou les ateliers de sensibilisation aux écogestes permettent d’ailleurs aux entreprises d’inscrire ces démarches au titre de formation et de développement des compétences.
Toutefois, face à l’inertie de leurs organisations et la lenteur de la mise en œuvre du changement, certains jeunes salariés font face à un réel découragement, voire de la frustration, qui les pousseraient parfois même à démissionner...
Les sources
Novethic “COP29 : l’accord sur le marché des crédits carbone crée la polémique”
Novethic “Le devoir de vigilance européen menacé par le Medef européen”
Youmatter “SNBC : les pistes du gouvernement pour décarboner les entreprises”
Youmatter “Les entreprises françaises consomment l’équivalent de 3 planètes”
Carenews “Au fait, c’est quoi la finance solidaire ?”
Le Monde, Tribune du 14 novembre de Stéphan Pezé et Christelle Théron