Actualités RSE du 25/11/2024

Charles Lorin
November 29, 2024

Obligations réglementaires, évolutions des négociations climatiques, innovations technologiques ou encore nouvelles attentes des collaborateurs : la RSE redéfinit les règles du jeu pour les entreprises. Dans cet article, nous décryptons les sujets phares du moment, comme l’impact de la CSRD sur les PME, le bilan mitigé de la COP29, ou encore les avancées en matière d’éthique de l’IA.

“PME, n'attendez pas pour mettre en place le reporting !”

Dans une tribune qu’il adresse aux Echos, Antoine de Riedmatten, président du Directoire d'In Extenso, exhorte les PME à prendre de l’avance sur les obligations réglementaires à venir en matière de reporting extra-financier. En effet, la CSRD entrera en vigueur en 2025 pour les grandes entreprises et les entreprises cotées : cela ne sera pas sans affecter les PME.

Il affirme qu’un “effet de ruissellement” va impacter l’ensemble de la chaîne de valeur, puisque les grandes entreprises concernées par les obligations de reporting vont exiger de leurs plus petits clients et prestataires des informations de durabilité.

Autrement dit, les PME les mieux dotées en outils de reporting de durabilité et dont les systèmes d’information RSE seront les plus performants obtiendront alors un avantage concurrentiel face à leurs concurrents d’une part, mais aussi auprès des investisseurs et des banques de l’autre.

COP29 : un accord final à bas coût ?

Conclu in extremis à Bakou, l’accord final de la 29e Conférence des Parties pour le climat fixe un montant de 300 milliards de dollars annuels d’ici à 2035 des pays du Nord à destination des pays du Sud pour soutenir leur transition. Ces derniers ont vivement critiqué ce montant jugé trop faible. Le délégué indien a même fustigé une somme “lamentablement faible” et “dérisoire”.

Cette critique tient à la dette climatique que les pays du Sud reprochent à ceux du Nord d’avoir contractée auprès d’eux au cours des décennies précédentes, et qu’il leur convient donc de rembourser. Autrement dit, que les responsables historiques du changement climatique font peser une série de risques climatiques sur des pays qui ont alors besoin de moyens exceptionnels pour s’en protéger.

Enfin, le montant de 300 milliards ne représente qu’un effort budgétaire de 7% “si l’on tient compte des tendances économiques mondiales en termes d’inflations et de PIB par têtes à l’horizon 2035”.

COP29 : le bilan mitigé des négociations

Les deux semaines de négociations de la COP29 ont donné lieu à un accord financier, très critiqué, qui ne doit pas pour autant occulter les autres événements du sommet climatique.

D’abord, l’adoption historique de règles sur un marché des crédits carbone “ouvert aux pays et aux entreprises”.

Ensuite, le chantier de l’atténuation des émissions carbone, lancé lors de la COP27, ne semble pas avoir beaucoup évolué. Il a notamment été freiné par une coalition de pays, emmenée par l’Arabie Saoudite, qui a refusé de reprendre le bilan de la COP28 et la mention “sortie des énergies fossiles” dans les accords.

Enfin, l’évolution des droits humains en matière de genre et d’identité de genre a été freinée par les États les plus conservateurs tels que les pays du Golfe et la Russie.

Vers une renégociation des réglementations européennes de durabilité ?

CSRD, CSDDD et taxonomie verte sont dans le collimateur de la Commission Européenne, qui envisage des législations dite “omnibus” pour en modifier certains points. Ce triangle réglementaire constitutif du Green Deal européen, censé garantir une série de droits sociaux et environnementaux, vit donc sous la menace de son affaiblissement.

Cette dynamique est justifiée par la Commission comme une mesure de “simplification” visant à atténuer la bureaucratie en entreprise et les “charges liées aux reportings”, a affirmé Ursula von der Leyen.

Critiquées par les lobbies, remises en cause par le rapport Draghi, dénigrées par l’exécutif français, les réglementations européennes de durabilité risquent fort de connaître un étiolement, qui ne manquera pas de mettre à mal la réalisation des ambitions sociales et environnementales de l’économie européenne.

Pour un cadre de gouvernance commun des entreprises européennes durables

Dans une tribune au Monde, les trois acteurs de la RSE que sont Olivier Favereau, Emery Jacquillat et Martin Richer plaident en faveur d’un cadre commun permettant d’adapter une réponse aux besoins de simplification pointés par le rapport Draghi et sollicités par le patronat européen, tout en maintenant des objectifs sociaux et environnementaux ambitieux.

Ils proposent la reconnaissance d’un “statut d’entreprise” dans l’ensemble de l’UE, qui associerait les acquis RSE issus des divers États membres :

  • Le modèle de la société à mission (Europe latine)
  • Le modèle de la codétermination, en matière de gouvernance de l’entreprise (bloc germanique)
  • La CSRD et les apports des comités d’entreprise européens (droit communautaire)

Un fonds international contre la désinformation climatique

L’UNESCO, le gouvernement brésilien et les Nations Unies travaillent conjointement à la mise en œuvre d’un fonds mondial pour lutter contre la désinformation climatique. Avec un objectif de 10 à 15 millions de dollars sur 36 mois, il devrait être administré par l’UNESCO qui fléchera des subventions vers des ONG.

Les États contributeurs permettront ainsi de financer des enquêtes sur l’intégrité de l’information climatique, du contenu et des campagnes de sensibilisation.

Une initiative bienvenue dans un contexte de regain du climatoscepticisme, au moins en France à en croire le dernier baromètre publié par l’Ademe (un tiers des français). Mais aussi, plus globalement, avec l’arrivée en tête des élections américaines d’un président qui voit une “escroquerie” dans le changement climatique.

Sommet européen pour une éthique de l’IA

La 7e édition du SophI.A Summit, sommet européen de l’intelligence artificielle, consacre cette année une part de sa réflexion à la question éthique. En effet, l’IA deviendra indéniablement centrale dans des secteurs clefs de l’économie, mais aussi de la vie politique (comme la justice). Ainsi, il convient de concevoir et déployer les systèmes d’IA dans le respect des “principes fondamentaux des sociétés démocratiques”.

L’autonomie de calcul et de gestion d’une grande quantité de données pose la question des garde-fous à maintenir autour de l’IA. En l’occurrence, on identifie 3 grandes priorités de travail :

  • Biais algorithmiques et discriminations
  • Transparence et explicabilité
  • Autonomie et responsabilité

Le SophI.A Summit présentera une série d’initiatives et de propositions pour répondre à ces enjeux de manière applicable, qui permette toujours d’envisager l’éthique comme un moteur d’innovation.

Traité sur la pollution plastique : blocage des États pétroliers

Le Comité international de négociation sur la pollution plastique des Nations Unies conduit des pourparlers à l’occasion de sa 5e session, qui se déroule à Busan, en Corée du Sud. Alors que les discussions visent à la signature d’un traité contraignant par les plus de 170 participants, une vingtaine d’États à l’économie très dépendante de la production pétrolière font blocage.

En effet, deux positions semblent se dégager : ceux qui veulent encadrer l’ensemble du “cycle de vie” du plastique, de sa production jusqu’à son recyclage. Tandis que les États tels que l’Arabie Saoudite, l’Iran ou la Russie militent en faveur d’une réduction de la pollution via l’amélioration de la conception, du recyclage et de la gestion des déchets du plastique.

Autrement dit, une poignée de pays refusent la perspective d’une réduction de la production de plastique, ce qui ralentit considérablement les négociations. La date butoir pour trouver un accord est le dimanche 1er décembre.

Fast fashion : double menace climatique et économique

L’ONG Les amis de la Terre a publié un rapport qui met en valeur la menace que les géants de la fast fashion font peser sur l’économie textile française. En plus des dégâts écologiques (déjà largement documentés) de ce mode de production, l’ONG fait valoir deux éléments d’ordre économique : la destruction d'emplois et la concurrence déloyale.

Le rapport fait état de "près de 300.000 emplois" détruits par l’industrie de la mode éphémère, en conséquence des délocalisations massives de l’industrie textile française depuis les années 1990. Un véritable paradoxe, note l’ONG, lorsqu’on sait que “ la quantité de vêtements consommés a doublé” ces 40 dernières années.

Les volumes écoulés par les enseignes françaises tendent à stagner, tandis que les géants du textile, de Zara à Shein, affichent des hausses de leur volume d’affaires de 70 à 116%.

Le climate quitting, nouveau motif de démission des salariés

La démission climatique, parfois annoncée avec fracas en ligne, est la décision d’un salarié de quitter son entreprise car elle ne serait “pas alignée sur ses convictions environnementales”.

A ce sujet, le cabinet de conseil Génie des lieux a mené une étude en 2023 concernant ces “démissions conscientes”, montrant que 68% des français interrogés avaient déjà songé à démissionner en raison d’un écart entre leurs convictions et les valeurs de l’entreprise. Plus impressionnant, l’étude affirme que 34% seraient passés à l’acte (sans en spécifier le motif précis).

Ainsi, la responsabilité sociale et environnementale des entreprises apparaît aussi comme un enjeu RH de rétention des talents au sein des équipes. De plus, favoriser un cadre de travail où les collaborateurs sont alignés sur les valeurs de la boite est une source d’engagement supplémentaire, montrent de nombreuses études.

Les sources

Les Echos “Opinion | CSRD : PME, n'attendez pas pour mettre en place le reporting !”

Les Echos “COP29 : un accord qui accentue la division entre le Nord et le Sud”

Novethic “Bilan de la COP29 : ces défaites qui ont émaillé le sommet”

Novethic “CSRD, CSDDD et taxonomie verte : les réglementations européennes de durabilité pourraient être renégociées”

Le Monde “Un cadre européen pour l’entreprise responsable et engagée dans la transition écologique”

Youmatter “Un nouveau fonds mondial contre la désinformation”

RSE Magazine “SophI.A Summit : Comprendre les enjeux éthiques de l’IA de demain”

Novethic “Traité plastique : une poignée de pays pétroliers bloquent toute avancée”

L’info durable “La fast fashion, menace vitale pour l'industrie textile française, selon une ONG”

Le Monde “En silence ou avec fracas, l’art subtil de la démission”