Comprendre les ESRS de la CSRD : les attentes du reporting de durabilité européen
La directive sur le reporting de durabilité des entreprises (la CSRD) découpée en normes européennes de reporting extra-financier (les ESRS) impose à certaines sociétés de communiquer de manière transparente sur leurs impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance.
Les normes ESRS, étroitement liées à l'adoption croissante des démarches RSE, représentent non seulement une obligation, mais aussi une opportunité stratégique.
Que sont les normes ESRS ? Quel est leur rôle dans la CSRD ? Quelles sont les entreprises concernées ? Découvrez tout ce qu’il y a à savoir au sujet des ESRS de la CSRD.
Comprendre les bases des normes ESRS et de la directive CSRD
Qu’est-ce que la CSRD ?
La CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) est une directive européenne adoptée en 2022. Son but est d’améliorer la transparence sur les pratiques des entreprises en matière de durabilité.
Elles doivent rapporter de manière précise et détaillée leurs impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Ainsi, les salariés, les consommateurs, les investisseurs et toutes les parties prenantes ont la possibilité de comparer la performance des sociétés selon ces 3 thématiques extra-financières.
La CSRD remplace la NFRD (Non-Financial Reporting Directive) qui concernait essentiellement les grandes entreprises cotées en bourse. Elle leur demandait des informations sur leur performance ESG et n’exécutait que très peu de sanctions en cas de non-respect.
La CSRD élargit largement le champ d’application de la norme et est plus exigeante et précise quant aux informations à rapporter (double matérialité, normes ESRS, vérification externe, digitalisation). Au-delà d’améliorer la transparence qui était l’objectif principal de la NFRD, la CSRD vise à avoir un cadre harmonisé pour les données extra-financière des entreprises. La CSRD a également renforcé les sanctions en cas de non-respect de ces obligations légales (le dirigeant risque jusqu'à 75.000 € d'amende et 5 ans de prison selon l'infraction).
Qu’est-ce que les ESRS ?
Les ESRS (European Sustainability Reporting Standards) sont un ensemble de normes européennes, de lignes directrices, qui permettent d’harmoniser le reporting extra-financier des entreprises. Elles déterminent les informations que les sociétés doivent publier concernant leurs impacts ESG. C’est assez logique, pour pouvoir les comparer, il est essentiel de se baser sur des critères identiques.
Relation et différence entre CSRD et ESRS
La CSRD est donc la directive européenne qui établit le cadre légal de l’obligation de reporting des impacts ESG et les ESRS sont les normes utilisées pour effectuer ce reporting.
Structure et contenu des normes ESRS
Les thématiques principales couvertes par les ESRS
Les thématiques couvertes par les ESRS s’articulent autour des trois piliers ESG : environnement, social et gouvernance ; en complément de deux normes générales.
Les ESRS sur lesquels vous allez devoir reporter dépendront des thèmes que vous avez identifiés comme matériel à travers votre analyse de double matérialité.
L’environnement
Le thème est très large, mais les sous-thèmes ne sont pas nécessairement matériels (c'est-à-dire pertinents) pour toutes les entreprises. L’objectif est de réduire les impacts et mieux gérer les risques et opportunités financières liés aux sujets environnementaux. Quelques exemples :
- Œuvrer contre le changement climatique en diminuant ses émissions de gaz à effet de serre et en développant des stratégies de décarbonation ;
- Limiter l’exploitation des ressources en contrôlant sa consommation d’eau et d’énergie, par exemple dans les chaînes de production ;
- Diminuer la pollution en se réorganisant pour générer moins de déchets, en recyclant au maximum et en réduisant ses émissions atmosphériques;
- Préserver la biodiversité en restreignant sa nuisance sur les écosystèmes naturels.
Les actions à mettre en place dépendent des sujets matériels identifiés dans la matrice de matérialité.
Le social
Le champ d’application est assez large, ces normes couvrent le travail forcé, mais également la discrimination, l’égalité hommes/femmes, la santé et la sécurité au travail. Dans l’idée, l’entreprise doit respecter ces obligations en ses murs, mais doit aussi s’assurer qu’elle collabore avec des partenaires les respectant aussi. C’est là que cela se complique, dans le cadre d'échanges commerciaux extra-Europe, avec des pays moins regardants sur le respect des droits de l’homme.
À travers la CSRD, les entreprises sont invitées à contrôler et à repenser toute leur chaîne d’approvisionnement, notamment concernant les conditions de travail chez leurs fournisseurs. Les travailleurs de la chaîne de valeur et les communautés affectées doivent également être pris en compte, au même titre que les employés directs.
Les ESRS liées au social s’attachent par ailleurs à la qualité des relations sociales que l’entreprise entretient avec chacune de ses parties prenantes : les salariés, les clients, les communautés locales, les fournisseurs, les distributeurs, etc.
La gouvernance
Les normes concernant la gouvernance cherchent à valider que la stratégie générale de l’entreprise est bien alignée avec les objectifs de développement durable.
Elle évalue la qualité de la direction pour s'assurer que tout est mis en place pour éviter les abus, comme les écarts de rémunération des dirigeants ou la lutte contre la corruption.
Obligatoires pour quelles entreprises ?
Les entreprises concernées par la CSRD :
- Les entreprises précédemment soumises à la NFRD, cotées en bourse, qui emploient plus de 500 personnes et dont le bilan est supérieur à 25 millions d'euros ou le chiffre d'affaires net supérieur à 50 millions d'euros.
- Les grandes entreprises remplissant au moins deux de ces critères : un chiffre d'affaires net de 50 millions d'euros ou plus, un total de bilan de 25 millions d'euros, ou plus de 250 employés.
- Les petites et moyennes entreprises (PME) remplissant au moins deux de ces critères : plus de 50 employés, un chiffre d'affaires supérieur à 5 millions d'euros, ou un total de bilan supérieur à 10 millions d'euros.
- Les entreprises non européennes ayant une présence significative dans l'Union européenne, selon certains critères spécifiques.
Le calendrier d’application est progressif en fonction de la taille de l’entreprise et les petites entreprises (moins de 10 employés ou moins de 20 M€ de chiffre d'affaires) ne sont pas concernées pour l’instant.
Concernant les normes ESRS voici celles qui sont obligatoires pour toutes les entreprises :
- Les normes générales qui partagent le contexte et les attentes : l'ESRS 1 et l'ESRS 2.
- L'ESRS E1, la norme thématique environnementale sur le changement climatique, car toutes les entreprises ont un impact ou sont impactées par les enjeux climatiques.
Les autres normes sont applicables en fonction des résultats de l'analyse de double matérialité de chaque entreprise.
Les normes ESRS thématiques sont divisées en thèmes, sous-thèmes et sous-sous thèmes.
Les exigences spécifiques des ESRS
Dans la majorité des cas, les ESRS demandent aux entreprises de faire état :
- Des politiques rédigées ;
- Des objectifs fixés ;
- Des plans d’action mis en place pour atteindre leurs objectifs ;
- Certains indicateurs clés ;
pour chaque enjeu identifié comme matériel.
Comment se préparer aux exigences des ESRS et de la CSRD ?
Les étapes pour se mettre en conformité avec la CSRD
La mise en conformité avec la CSRD peut prendre beaucoup de temps, cela varie en fonction de la maturité de l’entreprise en matière de durabilité. Il est donc essentiel de s’y engager rapidement et d’avancer étape par étape :
- Comprendre la CSRD et les ESRS ;
- Définir une équipe dédiée, un responsable de la mise en conformité ;
- Discerner les enjeux matériels en impliquant toutes les parties prenantes dans la réflexion ;
- Mettre en place des outils de collecte et d’analyse des données ;
- Définir et suivre des KPI pertinents pour mesurer les progrès accomplis ;
- Réaliser le rapport de durabilité ;
- Faire vérifier le rapport par un auditeur indépendant ;
- Revoir la stratégie de l’entreprise pour collecter de la donnée plus fiable d’année en année, et s’améliorer sur les sujets ESG ;
- Publier le reporting annuel.
Les Disclosure Requirements (DR) et les Data Points (DP)
Les 12 normes ESRS sont décomposées en 82 “Disclosure Requirements”, les DR, spécifiant quoi et comment rapporter sur chaque sujet.
Les 82 “Disclosure Requirements” représentent pas moins de 1150 points de données, les “Data Points” ou DP, guidant l’entreprise sur les éléments à inclure dans son rapport.
La combinaison de ces deux éléments garantit des rapports de durabilité détaillés, cohérents et alignés sur les attentes des régulateurs et des parties prenantes.
Par exemple, vous devez faire un reporting CSRD. Vous traitez le thème ESRS E3 (ressources en eau et marines), le sous-thème « eau », le sous-sous-thème « consommation d’eau ».
Au sein du sous-sous thème, vous retrouverez les DR précisent les informations que vous devez reporter (politique, actions, cibles, objectifs, suivi métrique) et les DP indiquent la forme attendue du reporting (courbe d’évolution de la consommation d’eau, consommation d’eau par unité de production, quantité d’eau économisée grâce à des mesures spécifiques).
Chaque DR concerne un sujet détaillé de durabilité, par rapport à un sous-thème et un sous-sous-thème. Par exemple :
- ESRS E1-1 Transition vers une économie bas-carbone ;
- ESRS S1-2 Conditions de travail équitables pour la main-d’œuvre ;
- ESRS G1-1 Structure de gouvernance responsable des questions de durabilité.
Les DP précisent ce que l’entreprise doit collecter et rapporter pour répondre aux DR. Ils peuvent être qualitatifs (décrire une politique, une stratégie ou un engagement) ou quantitatifs (mesure des émissions de gaz à effet de serre scope 1 en tonnes de Co², de dioxyde de souffre ou de particules fines, taux de turn-over, nombre d’accidents du travail, etc.). Il n'est pas obligatoire de répondre à tous les ESRS, uniquement les DR et DP pour les thèmes qui sont matériels pour l'entreprise.
Les outils et ressources disponibles
La CSRD est un vaste sujet. Pour les aider dans leur démarche, les entreprises ont la possibilité de se faire accompagner par des experts spécialisés.
De nombreuses ressources sont aussi disponibles sur les sites officiels pour apporter un maximum d’informations sur le sujet. Par exemple :
- Guide pédagogique émis par l’AMF (Autorité des Marchés Financiers) pour rendre compte de son plan de transition climatique au format ESRS ;
- Guide pratique d’application de la CSRD par l’ANC (Autorité des Normes Comptables) ;
- Rapport du Sénat sur la mise en œuvre de la CSRD ;
- Guide ESRS du portail RSE du Ministère de l’Économie et des Finances et de l’incubateur des services numériques.
Et pour garder la main sur le projet tout en bénéficiant d’une expertise poussée, vous pouvez aussi utiliser des logiciels de reporting CSRD comme Beavr.
Perspectives et nouvelles opportunités
L’impact des ESRS sur la stratégie RSE d’entreprise
La mise en place d’un reporting conforme aux ESRS de la CSRD s’inscrit pleinement dans la démarche RSE. Elles imposent de nouvelles exigences de transparence et de reporting poussant les sociétés à repenser leur stratégie globale en faveur de la durabilité :
- Renforcer la gouvernance RSE ;
- Consolider la gestion des risques ESG ;
- Innover et développer de nouveaux modèles économiques.
Grâce à sa transformation, l’entreprise améliore sa réputation, son image de marque et son attractivité. Même si l’adaptation nécessite des investissements, elle réduit ses coûts à terme et optimise sa performance financière et extra-financière.
Harmonisation avec les normes internationales
Être conforme aux ESRS permet également de respecter d’autres normes internationales, car la CSRD s’inspire de cadres comme les normes GRI ou les recommandations de la TCFD. Cela garantit une approche cohérente et harmonisée pour son reporting de durabilité et facilite l'alignement avec les standards mondiaux et les attentes des parties prenantes à l’échelle internationale.
Quelles sont les principales normes internationales ?
- GRI (Global Reporting Initiative) qui donne également un cadre pour le reporting ESG ;
- TCFD (Task Force on Climate-related Financial Disclosures) qui s’attache particulièrement aux informations liées au climat ;
- ISSB (International Sustainability Standards Board) qui concerne des normes liées au développement durable, mais plutôt axées sur les besoins des investisseurs.
Perspectives pour l’avenir
Les ESRS et la CSRD visent à s'appliquer à de plus en plus d'entreprises. Elles jouent un rôle clé dans la transition écologique et sociale. Même non concernées pour l'instant, elles ont intérêt à s'engager dès maintenant pour garder une longueur d'avance et rester compétitives. Celles qui ne sont pas encore concernées par ces obligations ont tout intérêt à s’embarquer dans cette démarche au plus vite pour prendre de l’avance et rester concurrentielles.
En conclusion
Au-delà d’une contrainte, la directive CSRD et les normes ESRS représentent une réelle opportunité pour les entreprises. Intégrer les enjeux ESG dans leur stratégie leur permet de se différencier, de développer leur image de marque ainsi que leur attractivité pour les investisseurs et les talents.
Comprendre les ESRS est la première étape pour réussir son reporting CSRD.
FAQ
Combien de normes y a-t-il dans les ESRS ?
Il existe 12 normes ESRS réparties entre deux thématiques générales et trois autres sur l’ESG : les normes environnementales, sociétales et de gouvernance.
Quels sont les critères clés à inclure dans un rapport conforme aux ESRS ?
La structuration du reporting, ainsi que les informations clés à communiquer sont définies par les ESRS 1 et ESRS 2. Ensuite, le rapport doit intégrer les critères environnementaux, les critères sociaux et les critères de gouvernance des ESRS thématiques en fonction des enjeux matériels identifiés par l’entreprise dans son analyse de double matérialité.
Quelles sont les normes européennes d’information sur le développement durable (ESRS) ?
Dans le cadre de la CSRD, les ESRS constituent un cahier des charges précisant aux entreprises les informations qu’elles doivent communiquer quant à leur rapport extra-financier.
Comment fonctionne le CSRD ?
La directive CSRD impose aux grandes entreprises européennes de publier un rapport standardisé et détaillé sur leurs impacts ESG, basés sur les normes ESRS.
Parmi ces normes, les 12 lignes directrices, les 12 ESRS, sont obligatoires pour toutes les entreprises : l’ESRS 1, l’ESRS 2 (Informations générales) et l’ESRS E1 (Changement climatique). Vous ne devez répondre qu’aux autres ESRS si les thèmes sont matériels pour votre entreprise.